Dans ma communauté, l’éducation, ça peut représenter une difficulté.
Les gens arrêtent l’école, ils font des choix par défaut et non pas passion. Les jeunes qui décrochent, ils sont déconnectés, peut-être à cause de la mémoire ancestrale, avec l’histoire de pensionnats… On en vit encore les conséquences. « à cause de ça, beaucoup se sentent perdus. La fierté autochtone, c’est important. Savoir qui on est, d’où on vient… »
Il y a un cheminement à faire pour enrayer le mal-être causé par l’Histoire.
Quand j’ai appris ce qui est arrivé à mes ancêtres, j’ai allumé plein d’ampoules, j’ai compris beaucoup de choses. Aussi affreux que cela puisse paraître, comprendre ce qui s’est passé est essentiel, et c’est primordial de le faire connaître à nos enfants. En grandissant et en vieillissant, ils seront déjà armés, outillés, pleins de confiance en soi.
J’ai quitté l’école car je ne me sentais pas bien.
Quand je l’ai annoncé à mon père, le lendemain, on montait en forêt. Mon père m’avait dit : « Ce que tu auras appris chez les Allochtones te sera utile en forêt, et ce que tu vas apprendre en forêt te servira chez les Blancs ». Un jour, sur un chantier de construction, j’étais chargé d’égaliser un terrain. J’ai planté quatre piquets, bien à niveau. L’arpenteur allochtone m’avait demandé : Comment as-tu fait? C’est au niveau au millimètre près. » J’avais appris ça en forêt, pour installer un poêle*. J’ai appris beaucoup de valeurs, comment me nourrir, prendre soin de ma famille, de mon environnement, de tout ce qui m’entourait. Partir en forêt, vu comme ça, c’est du modernisme. Aujourd’hui je mets en pratique ce qu’on m’a transmis, du mieux que je peux, et j’essaye de transmettre à mes enfants. Mon père me racontait ses souvenirs, m’apprenait des mots anciens. C’était lui, mon enseignant. Aujourd'hui c’est moi, pour les autres.
Le référent autochtone pour « Éducation », ce serait la transmission.
Quand je pense à mes valeurs et à comment « redonner » à ma fille, je ne vais jamais parler d’éducation autochtone, je vais parler de transmission. Ça donne une définition beaucoup plus large. Pour moi, l’« éducation » c’est : tu rentres à la maternelle et tu sors à l’université. C’est quelque chose de très cadré, que tu fais assis devant un prof toute la journée. La transmission, elle, se fait à tous les niveaux, sans qu’on s’en rende compte. C’est beaucoup plus « global » que la vision « scolaire ».
L’école en forêt, c’est une super idée.
J’avais 10 ans quand mon grand-père est décédé. Ça a été une grosse coupure avec les traditions, mon héritage culturel, mon accès au territoire. Toute ma vie, j’ai cherché cet accès. Tu as encore besoin d’aller en territoire quand tu as 35, 60 ans… En tout cas, moi, je sens que je ne serai pas complète dans mon identité tant que j’aurai pas su c’est quoi être une femme en territoire. Tant que je n’aurai pas marché sur les traces de mes grands-parents, il me manquera une partie de moi-même.