Pourquoi parle t-on de « Liberté »?
Lors de la dernière rencontre, on s’était quittés sur la volonté de connaître le rôle du conseil de bande. Où en sommes-nous aujourd’hui? Qui sont les acteurs de la gouvernance? Vers où l’autodétermination peut-elle nous mener?
Selon l’historien et docteur en sciences politiques Marc André Cyr, la liberté signifie être maître de soi-même, individuellement et collectivement, sans que les deux soient entendus comme séparés. Pour parler de gouvernance, on peut peut-être questionner la séparation entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés.
Utshimau : le chef, terme qui désignait la gouvernance par le chef d’un clan. La société a changé, le dominant a forcé les choses.
Aujourd'hui la société a changé, le dominant a forcé les choses. La structure de gouvernance actuelle, ``officielle``, est une structure euro-américaine. Ça prendrait un gros projet venant du peuple pour retrouver des attributs de notre société originale.
Dans les années 70-80, on a commencé à voir une sorte de retour aux sources.
On a donné la parole aux aînés, qui détenaient le savoir sur le système antérieur.
Aujourd’hui, le conseil de bande : il administre nos services (Éducation, santé…), avec les fonds du gouvernement.
En fonction de nos valeurs, on pourrait réinventer la façon dont on se gouverne nous-mêmes.
On dirait que le conseil de bande, c’est une seule et même famille. Avant, on pouvait avoir des conseils des aînés, des femmes, des jeunes, chacun avait la parole.
Aujourd’hui, je crois qu’il existe un conseil des aînés. Ils se rencontrent pour discuter mais c’est pas de la politique.
À Pessamit, quand il y a des tensions politique, on a un comité des aînés. D’ailleurs, il y a plusieurs comités. On a le conseil de bande, le conseil tribal Mamuitun…. On a des conseillers, qui gèrent l’administration, ce sont eux qui dirigent et qui prennent des décisions. Si tu a un projet, la décision finale vient du conseil. C’est un peu le prolongement administratif du gouvernement.
À Uashat mak Mani-utenam, ils ont remis en place un conseil de grand-mères.
Historiquement, elles insufflaient les décisions relatives au territoire.
Ce n’est pas l’âge qui détermine le fait qu’on soit aîné.
Il y a des jeunes qui ont une “vieille âme”, car ils ont beaucoup fréquenté les aînés.
À Pessamit, le premier conseil vient de la Compagnie de la Baie d’Hudson, ça a été fait pour des raisons économiques.
On a vu des conseils nommés, qui pouvait transférer leur pouvoir à leurs enfants. On voyait déjà la disparition de la société matriarcale. Aujourd’hui, les conseillers sont élus. À chaque élection, ça se répète, on change les choses. Ça ne changera pas tant et si longtemps que les gens ne comprendront pas le terme conseil de bande.
C’est de la politique? Non, l’idée, c’est trouver des façons d’être bien collectivement.
Comités, conseils… Quel pouvoir ou quelle autorité ces structures ont par rapport au développement de la communauté? Quelle légitimité ont-ils pour prendre des décisions pour l’avenir?
Chefs héréditaires : chez nous, c’est un peu les chefs de famille des territoires ancestraux.
Il y en a dans toutes les communautés. Ça a été un peu mis de côtés par la venue des conseils de bande, mais ils sont encore présents, notamment sur le territoire.
“Qu’est-ce que moi je peux faire pour mon peuple?”
Si tout le monde se posait cette question, le mot communauté prendrait beaucoup de sens et ce serait ça, la gouvernance.
Guérison, tradition… j’avais présenté plusieurs beaux projets au conseil de bande mais ils ont été refusés. J’ai donc fait cavalier seul, avec les personnes qui souhaitaient se joindre à mon effort. On a pris la porte de côté pour aider notre peuple.
Donc, même si la décision du conseil de bande n’est pas favorable, on peut quand même concrétiser des projets?
Il faut croire en soi.
De mon côté, avec ma famille, notre intention était claire : aider notre peuple. Notre objectif n’était pas le prestige ou l’argent. Nous avons mis en place un site ouvert à tous, un endroit où on veut juste être bien, et pour ça, nous avons de la légitimité.
Tout le monde peut aller chercher son poste, en fonction de ses compétences, de ses savoirs. C’est comme ça que ça se passait autrefois, il y avait une structure, on le voit notamment avec les chefs de chasse.
Qu’est-ce qui s’est passé pour qu’on perde ça?
Années 70-80 : les gens revenaient de leurs grandes écoles, ils ont tassé les aînés et la structure de gouvernance traditionnelle, et ont appliqué la colonisation encore davantage. Jusqu’où, maintenant, les aînés sont-ils écoutés? La légitimité de conseil de bande prend toute la place.
J’ai pas ma place dans les comités.
- Plusieurs fois, j’ai été bénévole dans des comités, avec des gens qui étaient payés et qui comptaient le temps. Il y a trop de structure, on avançait lentement, ce n’était pas très concret. J’ai donc décidé d’aller plus dans l’action, pour “mieux” aider.
- Je pense que ce problème s’applique dans d’autres sphères. On remarque un manque de volonté de coeur, de motivation réelle de la part de personnes qui pourtant, ont un certain pouvoir
Respect : une valeur importante.
Quand un projet comme un site favorisant la guérison et le bien-être de la population est développé, le respect envers ce site-là entraîne la légitimité de l’action des personnes qui l’ont initié ou qui le gère.
Le mot-clé, c’est décolonisation, voire même autochtonisation.
Nous avons un rôle à jouer, des messages à transmettre aux élus, participer, retourner à la source dans notre façon de décider. Parfois, quand je partage mes idées et mes visions, notamment à des élus, j’ai l’impression d’être entendu.
Aujourd’hui, on se questionne, on ne sait pas trop où aller… il faudrait que l’on explore le passé, pour comprendre, et mieux construire l’avenir.
Avant, il n’y avait pas de lois établies, écrites, mais un respect mutuel.
Les gens se parlaient et décidaient des choses en fonction de règles liées à la préservation, pour l’avenir, et on reconnaissait la légitimité des personnes sur leur territoire.
Légitimité des comités : aujourd’hui, les comités peuvent être biaisés.
Il faut vraiment que chaque comité prenne le pouvoir pour le travail qu’on lui a donné.